Tout commence avec l'eau !

De Raïssa Malu, consultante internationale en éducation
9 November 2022 by
Tout commence avec l'eau !
Christian SONDI
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Le lundi 26 septembre, j’ai visité le Centre de Recherche en Ressources en Eau du Bassin du Congo (CRREBaC) sur le site de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Via leur site Internet - crrebac.org - je vous invite à découvrir ce centre unique dont la mission générale est « de contribuer à la gestion et au développement durables des ressources en eau du Bassin du Congo par une recherche qui fournit des informations scientifiquement acceptables et des solutions réalisables aux problèmes émergents en matière de ressources en eau ». Dans cet article, je voudrais vous parler en particulier d’un de leurs programmes qui a justifié mon déplacement.

Le CRREBaC est dirigé par le Professeur Dr Raphaël Tshimanga dont vous retrouverez l’impressionnant CV sur le site Internet. Il est hydrologue. Récemment, il a été classé en deuxième position dans le TOP 10 des meilleurs chercheurs seniors de l’Université de Kinshasa après l’éminent Professeur Dr Jean-Jacques Muyembe. Dans son domaine d’expertise, la compréhension du cycle de l'eau du Bassin du Congo, Raphaël Tshimanga est en Afrique une sommité reconnue par ses pairs.

Notre première collaboration remonte à 2018 à l’occasion de la 5e édition de la Semaine de la Science et des Technologies. Nous l’avions invité à donner une conférence sur le projet Transaqua, ce fameux projet de transfert d'eau du fleuve Congo vers le lac Tchad qui s’assèche. Il est à nouveau intervenu en avril dernier pour notre 9e édition où il a discouru sur les « Nouvelles Technologies d’Observation Spatiale et Applications à la Gestion des Ressources en Eau du Bassin du Congo ».


En janvier 2022, le Professeur Tshimanga a lancé le premier Programme de Master (MSc/DEA) en Ressource en Eau avec cinq spécialités : Eau et Biodiversité ; Eau et Energie ; Eau et Navigation ; Eau Potable ; Assainissement, Irrigation et Drainage. La première cohorte (2021-2022) compte 40 apprenants. Et il encadre également 3 doctorants.

J’ai eu la chance de rencontrer ces apprenants lors de ma visite. Le hasard a fait que je suis arrivée au moment où ils avaient cours avec le Professeur Dr Thierry Tangou, chimiste spécialisé en sciences de l’environnement orientation assainissement et environnement. Le Professeur Tangou a été récemment Commissaire Général a.i. au Commissariat Général à l’Energie Atomique (CGEA) et Directeur Général a.i. du Centre Régional d’Etudes Nucléaires de Kinshasa (CREN-K). Imaginez ma joie !

La cohorte est divisée en deux, les Master et les Doctorants. Il y a 6 femmes et 34 hommes en Master ; 1 femme et 2 hommes Doctorants. Le Professeur Tshimanga sait que je suis sensible à cet aspect et ne manque ainsi jamais de me faire remarquer la proportion des femmes et les efforts faits pour les encourager. Merci pour cela !

Ce qui est intéressant dans ce groupe, c’est son hétérogénéité. D’abord, les origines. Au niveau Master, nous avons 26 apprenants de Kinshasa, 12 venant des provinces (Kongo Central, Mai Ndombe, Mongala, Maniema, Sankuru et Kwango) et 2 internationaux (Algérie et Niger) ; au niveau Doctorat, nous retrouvons 2 internationaux (Algérie et Niger) et 1 congolais. Pour suivre ce programme, les internationaux ont bénéficié d’une bourse de l’Union européenne dans le cadre du Programme de Mobilité Académique Intraafricaine en Ressources en Eau. Lorsque je les ai entendus, j’ai été frappée par l’appréciation positive qu’ils ont de la qualité de la formation et de l’encadrement dont ils bénéficient, et leur plaisir d’être à Kinshasa. Les mots des apprenants venant des provinces étaient tout aussi éloquents bien que leur situation soit beaucoup moins aisée. J’y reviens.

Le second aspect est leur formation de base. Parmi les 40 apprenants en Master, nous comptons 11 Ingénieurs agronomes, 6 Ingénieurs civils et hydrauliciens (polytechnique), 3 Ingénieurs BTP, 7 environnementalistes, 2 Mathématiciens, 1 Hydrologue, 2 Économistes, 1 Géographe, 2 Chimistes, 2 Géologues et 3 Ingénieurs pétroliers. Ils ont été retenus sur dossier parmi une centaine de candidatures. Remarquez la diversité et la complémentarité de leur profil pour aborder les questions liées à la gestion des ressources en eau. C’est là pour moi la force de ce programme et le modèle à suivre dès le niveau secondaire.

Aujourd’hui, l’enseignement et la recherche en RDC doivent décloisonner les disciplines, les départements et les facultés si nous voulons aborder de manière créative les problèmes de nos sociétés et les enjeux de notre civilisation. C’est tout le sens de la réforme de l’enseignement des sciences et des mathématiques qui a été initiée au niveau du Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique avec le projet PEQPESU.


Lors de ma visite, la représentante des apprenants, Cynthia Mwamba (Ingénieure Bâtiment et Travaux Publics), a fait une excellente présentation de ce groupe et de sa dynamique. Ce qui est marquant, c’est l’esprit qui les anime. L’esprit des pionniers. Des hommes et des femmes qui savent qu’ils auront un rôle majeur à jouer dans leurs communautés, qui appréhendent les difficultés, mais sont déterminés à y arriver.

Et des difficultés, oui, il y en a et le groupe n’a pas manqué de me les présenter. Cynthia a raconté une anecdote où elle avait été marquée par un de leurs collègues venu des provinces qui restait motivé malgré les innombrables difficultés à étudier à Kinshasa sans aucun appui. Outre cette nécessité de bourses pour la prise en charge des apprenants venus des provinces, Cynthia a indiqué le besoin d’un appui logistique pour les descentes sur terrain et des stages dans des institutions publiques ou privées en RDC ou à l’étranger. Quant aux organisateurs, ils recherchent une solution robuste pour le dispositif des cours en ligne pour les enseignements en mode virtuel et un appui au développement des curricula des cinq spécialisations du programme.

Ce programme est unique en Afrique centrale. La RDC, l’Afrique et le Monde ont besoin de plus de spécialistes africains en gestion des ressources en eau dans une zone aussi stratégique que le Bassin du Congo qui couvre 9 pays et abrite le 2e poumon de la planète. Remarquez sur l'image ci-après la différence de débit entre le Bassin du Congo et l'autre célèbre Bassin du Nil ! L’enjeu est notre survie à tous.



Vous l’aurez compris, je vous en parle pour vous mobiliser. Auriez-vous une solution à proposer à leurs difficultés ? Avez-vous envie d’en connaitre plus sur la gestion des ressources en eau ? Voudriez-vous participer à cette belle œuvre humaine ? Si oui, je vous invite à prendre contact avec les organisateurs. Leurs contacts sont repris sur leur site Internet.

En RDC, il faut noter que le Professeur Tshimanga n’est pas le seul à militer pour la gestion durable des ressources en eau. Il y a aussi la Professeure Dr Céline Sikulisimwa, chimiste, qui a lancé en mars dernier un « SOS rivière » pour une meilleure gestion des rivières de la ville de Kinshasa qui sont actuellement asphyxiées. Je vous partage ci-après la vidéo qu’elle a produite pour alerter sur la situation.

Enfin, avant de conclure, je voudrais mentionner que le CRREBaC a joué un rôle de premier plan dans l'étude de la récente pollution des rivières Tshikapa et Kasaï suite à une activité industrielle. Un article scientifique est en voie de publication et nous sommes fiers d'avoir contribué au processus de récolte des données sur terrain.

Il y a quelques années, je suivais au journal télévisé un reportage avec Mme Jeannine Mabunda à l’époque Présidente de l’Assemblée Nationale de la RDC. Elle inaugurait un forage d’eau dans une commune qui n’avait pas accès à l’eau courante. Elle avait eu ces mots pour les femmes de cette communauté qui n’ont plus quitté mon esprit : « nous les mamans, nous savons que tout (la vie) commence avec l’eau » !


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